On dit d’elle qu’elle est une eau de luxe, d’exception, un « grand cru », la Rolls Royce des eaux minérales naturelles gazeuses… L’eau de Châteldon, que s’arrachent les people (de Pénélope Cruz à Sofia Coppola, en passant par Catherine Deneuve), a en tout cas une histoire royale. On raconte qu’au XVIIe siècle, le sieur Fagon, médecin de Louis XIV, ayant fait le tour des sources, décréta que celle de Châteldon, petit village dans le Puy-de-Dôme, convenait le mieux au Roi-Soleil : « Les eaux de Châteldon guériront Votre Majesté parfois, la soulageront souvent et la consoleront toujours », lui aurait-il dit en 1650.
L’eau précieuse fut la première à être transportée en bonbonnes, à dos de mulet, de l’Auvergne jusqu’à Versailles. Le roi la boit orange, car il n’y a aucun moyen technique de la rendre moins ferrugineuse. Dans les années 1770, Jean-Baptiste Desbrest, ancien médecin des armées du roi Louis XVI, étudie les bienfaits de cette eau, qui sont nombreux. Il la décrit comme l’eau la plus digeste et la plus légère du royaume. On apprécie la Châteldon pour son goût unique, pour ses bulles extrêmement fines, aussi fines que celles des meilleurs champagnes, et pour sa richesse en bicarbonate, fluor et en calcium. Grâce à sa teneur en bicarbonate, elle permet de dissoudre les graisses et d’empêcher de grossir. Elle est diurétique et facilite la digestion. C’est aussi la seule eau qui ne trouble pas le vin. La reine des eaux acquiert alors une telle notoriété qu’elle est munie d’un bouchon spécial, pour éviter les contrefaçons. Après la mort de Desbrest, ses descendants reprennent l’affaire et fondent, en 1846, un établissement thermal. Mais, à la fin du Second Empire, les eaux de Châteldon tombent dans l’oubli, et leur exploitation cesse au début du XXe siècle.
En 1932, Pierre Laval, futur ministre de Pétain et natif de Châteldon, sauve la source en la rachetant. Il la positionne sur un marché haut-de-gamme en la faisant figurer sur des tables prestigieuses comme au Fouquet’s, chez Maxim’s, dans les ambassades, sur le paquebot Normandie, au banquet de l’Exposition universelle de New York… La chute du régime de Vichy va hélas entraîner avec elle le déclin de cette eau de la haute société, qui n’est plus servie que lors de très grandes occasions.
En 1993, le domaine est racheté par le groupe Neptune : la Châteldon fait son grand retour. Dans les années 2000, cette eau chic et « people » est marketée et packagée en référence à son glorieux passé sur la table de Louis XIV : couleurs or et argent, soleil du roi, date de 1650… En réalité, rien ne prouve que l’anecdote de Fagon et de Louis XIV serait avérée, car en 1650, le médecin du roi avait… 12 ans. Qu’importe puisque même si aucune archive n’atteste que le Roi-Soleil consommait bel et bien de la Châteldon, la tradition orale l’a toujours affirmé.
Aujourd’hui, la Châteldon est une eau de luxe, un cru rare qu’on ne trouve que sur les plus belles tables, chez des cavistes, dans des bars à eaux trendy, ou des boutiques et épiceries chics, mais jamais en supermarché (sacrilège !). Le groupe Castel qui la distribue ne souhaite pas la vulgariser. Il faut dire que cette eau est produite au compte-gouttes (3 millions de bouteilles par an, soit ce que Volvic produit en une journée).
L’eau de Châteldon se capte dans une source au débit très faible (à peine 300 litres par heure) : la source Sergentale, à une vingtaine de kilomètres au sud de Vichy. Elle est bien sûr reine dans le village qui porte son nom. Au petit café de la place, on sert une spécialité locale : le rosé-Châteldon. On peut aussi demander un « blanc Châteldon » ou un « rouge Châteldon ». Il y a quelques années, l’étiquette de la bouteille avait même pour slogan : « Améliore le goût du whisky. » A la maison de la presse, vous trouverez des bouteilles de Châteldon consignées, comme au bon vieux temps.
Je suis Lova. J’ai créé Joli Goûter en 2012 parce que j’adore le thé, le tea time et tout ce qui se rapporte à la gourmandise (pâtisserie, cake design, bonne cuisine). J’aime découvrir de nouvelles adresses et les partager. J’apprécie tout ce qui flatte aussi bien les papilles que les pupilles ! Ainsi que l’art de vivre qui y correspond.